"Si tu es Fils de Dieu"....Adoration.

Publié le par Rodolphe

pt22211.jpgChaque fois que je lis le texte de la seconde tentation au désert (Lc 4, 5-8), je commence par me dire que le diable ne manque pas d'air. Ou bien qu'il n'a pas tout à fait saisi à qui il s'adresse, lorsqu'il se fait mousser devant Jésus au sujet de la gloire de tout les royaumes de la terre, qui lui aurait été remise. Il semble totalement pris dans l'exaltation de lui-même, ce que nous dit le texte en précisant que le démon, emmenant Jésus "plus haut" (c'est ici l'exaltation et non la contemplation), lui fait voir "d'un seul regard" tous les royaumes de la terre. "D'un seul regard"...La vision de l'orgueilleux est univoque, et tout à fait centrée sur lui-même, ce que Satan nous montre en invitant Jésus, Dieu fait homme, à se prosterner devant lui, c'est à dire à lui rendre le culte qui n'est dû qu'à Dieu seul. On atteint ici un degré d'absurdité dans l'inversion, qui ne s'explique que par l'aveuglement d'un orgueil sans borne : ébloui par sa propre lumière, Lucifer ne voit plus rien, que lui-même. Et c'est exactement la fosse dans laquelle, à travers la seconde tentation du Christ, il invite toute l'humanité à se jeter.

Il existe bien des façons de rendre un culte au démon, et la manière spectaculaire, façon "groupe de rock satanique", si elle est la plus visible (ou risible, c'est selon) et certainement la plus vendeuse, n'est pour autant ni la plus répandue, ni la plus pernicieuse : il suffit pour se prosterner devant l'Ennemi, de se laisser griser par la gloire de tous les "royaumes de la terre" au point d'oublier qu'il est un autre Royaume, qui seul mérite la majuscule...Le mot "terre" est ici à comprendre, comme dans l'Apocalypse de Jean, comme étant le monde matériel : les royaumes de la terre, c'est la puissance, la grandeur des réalisations de main d'homme. Nous sommes face à la tentation matérialiste : pourquoi l'humanité, qui est capable de si grandes choses, et dont la puissance croît de façon exponentielle, se réfèrerait-elle encore à une quelconque transcendance ? à quoi bon se préoccuper d'autre chose que d'accroître notre savoir, nos possessions et notre domination ? Quel besoin avons nous d'un dieu, quand tout nous indique que ce dieu n'est qu'une projection de nous même, et que s'il existe un dieu, c'est en réalité l'homme ?



On reconnaît ici toutes les logiques de pouvoir, toute l'univocité du discours scientiste (et non scientifique) dominant, à qui l'explication du "comment" matériel du monde fait office de sagesse, et encore toutes les idéologies qui ont ensanglanté les deux ou trois derniers siècles, et dont le péché le moins grave n'est pas d'avoir nié et combattu le sentiment religieux naturel, au point qu'il ressurgisse aujourd'hui, comme tout ce que l'on refoule, sous ses formes les plus pathologiques. Plus prosaïquement, c'est le credo de toutes ces vies menées "à hauteur d'homme", c'est à dire en réalité au ras du bitume, tristement obsédées par le pouvoir et l'avoir...

adoration-femme.jpgLe Christ repousse cette seconde tentation par une vraie prise de hauteur : à l'exaltation narcissique, il répond par l'attitude humble de l'adorateur authentique, qui sait que tout ce qu'il a, et plus profondément tout ce qu'il est, il l'a reçu de Dieu. Je ne suis pas la source de moi-même, pas plus que mes possessions et réalisations ne sont la clé de mon identité personnelle profonde. Encore une fois, il n'y a pas ici de négation : il est juste et bon que l'homme satisfasse sa vocation à croître. Mais que, pris de fascination, il laisse l'oeuvre de ses mains envahir en lui l'espace réservé à Dieu seul, et ce n'est plus un homme qui advient, mais un monstre absurde et triste...



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